Le cours de l’histoire est souvent injuste avec ses contributeurs.

Quand beaucoup aimeraient à y accoler leur noms, d’autres y laissent une trace indélébile sans réelle volonté de le faire, cherchant souvent en premier lieu à changer le monde et leur époque. Le fil du temps aidant, beaucoup seront appelés mais il y aura peu d’élus. Et les exemples sont foisons.

Ainsi, en parcourant les archives de l’automobile française afin de se documenter sur ce temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre, et plus précisément sur le parcours de notre chouchoute : la Méhari, nous sommes remontés à la source de beaucoup, mais beaucoup de choses aujourd’hui oubliées. Parce que des concurrentes, la cocotte, elle en a eu ! Mais qu’est-il advenu de tous ses projets sortis par les marques soit pour travailler la concurrence sur son terrain, soit en avance sur leur temps, ou issus de collaborations diverses et souvent plus ou moins fructueuses ? Et en l’occurrence et pour être plus précis, qui se souvient de la Volkswagen 181 ?

Au commencement, la voiture du peuple…

Faut bien avouer que s’il y a bien une marque qu’on n’aurait pas soupçonné avoir tenté l’aventure de la voiture de plein air, c’est bien Volkswagen. Avec déjà 2 légendes comme le Combi et la Coccinelle, déclinés plus que de raison pendant quelques décennies, c’est pas chez nos lointains voisins de Basse Saxe qu’on serait allé faire des recherches. Grand mal nous a pris d’avoir pareille pensée, puisque la surprise est grande, mais la surprise fait plaisir. Ainsi, nous sommes pendant ce que les historiens appellent les 30 glorieuses : cette période de faste qui a suivi la fin de la seconde guerre mondiale, et plus précisément à la fin des années 60. Volkswagen surfe alors encore autant que faire se peut sur le modèle qui a bâti sa renommée : la Type 1, également appelée la Coccinelle. Mais le monde, qui a déjà beaucoup changé, continue sa mutation, se transformant au gré de l’évolution sociale de sa population. C’est à cette époque que l’on commence à concevoir les choses en très grand : les camps de vacances et le tourisme de masse pour les remplir, puisque l’on a conçu un nouveau besoin pour que tout à chacun puisse devenir un nomade temporaire, un touriste : les loisirs. Et pour répondre à un besoin, il faut avoir une offre à proposer. Et ça le secteur de l’automobile l’a bien compris, et Volkswagen parmi les premiers. Ça tombe donc bien lorsque l’Armée allemande lance un appel d’offre auprès des constructeurs allemands avec le but de renouveler sa flotte de véhicules terrestres DKW Munga.

Une demande de l’Armée

Considérant qu’avec la Typ 147 Fridolin, qu’elle a conçu pour la Poste, à sa demande, elle peut se positionner en outsider sérieux, la marque tente de remplir le cahier des charges qui lui, est…. Militaire… Il faut que la remplaçante soit fiable, robuste, légère et économique (ben oui, on a dit militaire, pas mécano). La firme allemande va donc faire simple en recyclant le design des Kubelwagen de la seconde guerre mondiale afin de proposer le « prototype 181 ». Pour les pièces, elle dispose d’un stock provenant des autres modèles dans lequel elle peut piocher à loisir. Ainsi, à la Cox, elle empruntera le moteur, le train avant et les optiques, au Combi, le train arrière, permettant le transport de charges lourdes et au coupé Kamann Ghia, le plancher. L’Armée valide le projet et Volkswagen remporte le marché. S’ensuit la production dans les chaines de l’usine de Wolfsburg, et les premiers exemplaires sortent en 1969. Le modèle quant à lui est définitivement baptisé « Prototype 181 ». La firme remporte la main encore une fois, mais on vous l’a dit : elle voit plus loin. Ainsi, au-delà des quelques milliers d’exemplaires produits spécialement pour la Bundeswehr, VW va aller placer son produit avec succès chez les armées voisines, en l’occurrence : l’Autriche, le Danemark et la Grèce.

  

Dans une logique de marché, tout n’est jamais assez

En 1970, Volkswagen décide d’étudier une version grand public de la 181 et de la positionner sur le segment des utilitaires. Le même donc que celui de la Citroën Méhari, dont le succès a du inspirer les Teutons. Et finalement comme sa concurrente, son usage sera bientôt détourné par une clientèle nouvelle, émergente, à la recherche de nouveaux véhicules pour de nouveaux besoins : les loisirs de plein air. Et cette clientèle est jeune, et cherche autre chose que la voiture à Papa. Elle veut du fun, à la hauteur de sa quête de liberté, et c’est au travers de ce type de produit qu’elle se retrouve. Mais chez VW, on voit grand, et on est opportuniste. Et on va donc exporter le modèle au-delà de l’Atlantique. Car de ce côté-là de l’Océan, on est en plein dans la contre-culture et la grosse tendance est au Buggy : en gros, un châssis posé sur des gros pneus et avec lequel on s’amuse à monter et descendre les dunes des plages californiennes.

Et Volkswagen, déjà positionné sur le segment avec l’Apal, connait le marché. Voilà donc le 181, rebaptisé « The thing » (« La chose » en français dans le texte), qui débarque donc au Mexique en 1971 et aux Etats Unis l’année suivante. Et ça marche ! Le marché américain est porteur, le modèle trouve son public, et Volkswagen décide donc d’un lancement au Royaume Uni en 1975. Mais là, c’est le flop. C’est d’ailleurs plus qu’un échec.

Le  début d’une spirale infernale

Car en  1975, les Etats Unis votent une nouvelle loi d’homologation des voitures d’importation à l’échelle nationale. Cette loi se résume à une distance minimale imposée entre les fauteuils et une épaisseur précise de pare choc. Mais le Prototype 181 n’est pas dans les clous. Le véhicule est donc retiré du marché américain qui lui avait réussi. Comme si cela ne suffisait pas, l’Armée allemande annonce à Volkswagen en 1978 l’arrêt des commandes sur le modèle, lui préférant l’Iltis, toujours de la marque, mais certainement plus moderne. Sa carrière continuera jusqu’en 1980 au Mexique, où une partie de la production dédiée au continent nord-américain était assemblée, et jusqu’en 1982 en Allemagne, où il était produit à l’usine historique de Wolfsburg. Cette dernière en produira d’ailleurs environ 91 000 exemplaires avant l’arrêt de la ligne de production. On trouve encore des exemplaires de nos jours, les prix varient entre 8 000 et 15 000 euros selon l’état.

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