L’histoire est parfois injuste avec ses contributeurs. Quand beaucoup aimeraient à y accoler leurs noms, d’autres y laissent une trace indélébile sans réelle volonté de le faire, cherchant souvent en premier lieu à changer le monde et leur époque. Le fil du temps aidant, beaucoup seront appelés mais il y aura peu d’élus. Et les exemples sont foisons.

Ainsi, en parcourant les archives de l’automobile française et d’autres contrées lointaines, afin de se documenter sur ce temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre, et plus précisément sur le parcours de notre chouchoute : la Méhari, nous sommes remontés à la source de beaucoup, mais beaucoup de choses aujourd’hui oubliées. Parce que des concurrentes, la cocotte, elle en a eu ! Mais qu’est-il advenu de tous ses projets sortis par les marques, soit pour travailler la concurrence sur son terrain, soit en avance sur leur temps, soit issus de collaborations diverses et souvent plus ou moins fructueuses ? En l’occurrence et pour être plus précis, qui se souvient de la Renault 4 Plein Air ?
PENSEE POUR CONCURRENCER LA DEUCHE
Nous sommes au début des années 60, précisément en 1961, année durant laquelle la firme au losange lance sa gamme censée concurrencer Citroën sur son terrain. En effet, désireuse de manger plus que les miettes de marché laissées par la 2CV sur le segment des utilitaires et des entrées de gammes, Renault conçoit un modèle décliné en 2 versions : la Renault 3, au tarif plus bas que la star de la marque aux chevrons, destinée aux foyers modestes, au milieu rural et aux administrations, et la Renault 4, la même mais plus chère et avec un moteur 4 cv, contre 3 pour la petite sœur (notez l’audace, les gars n’avaient vraiment peur de rien quand même). Par la même occasion, la marque au losange s’est trouvé une remplaçante à la célèbre Dauphine qui a fait son temps et de fait peut sortir par la grande porte et avec les honneurs. A l’œil, aucun détail ne différenciera l’une de l’autre, mais la Renault 3 sera un flop. Livrée en 3 nuances de gris, avec une sellerie type transat, sans troisième vitre latérale, ni contre porte, elle sera produite à 2526 exemplaires avant que les lignes de montage ne s’arrêtent pour elle en 1962. La légende veut qu’on la surnomme même « le vilain petit canard », c’est pour dire l’engouement qu’elle a suscité. Sa grande sœur a par contre elle bénéficié de l’attrait du public et d’un succès qui a duré quelques dizaines d’années qui la feront rentrer dans l’histoire. A tel point qu’une société, la Sinpar, qui s’était fait une spécialité de convertir les voitures en 4 roues, voire 6 roues motrices, décida de s’attaquer au cas de la Renault 4. En effet, le modèle est un vrai succès auprès de tous les publics : PME, artisans, et sa déclinaison fourgonnette fait les beaux jours de la gendarmerie, des PTT ou de l’EDF. Mais ne serait-il pas possible de l’améliorer ?

UNE PREMIERE VERSION DESTINEE A L’ARMEE
Et la Sinpar de repenser, monter, démonter, remonter la 4L à sa sauce pour en proposer en 1964 une première version à l’Armée : la Torpédo, rendue célèbre par la série « Tanguy et Laverdure ». C’est cette base qui va servir à concevoir la Plein Air.
En effet, mai 1968 et son vent de liberté s’annonce, et de l’autre côté de l’Atlantique, chez nos cousins américains, c’est la grande mode du buggy, ces petits bolides avec des gros pneus qui servent à rouler sur la plage et grimper les dunes. S’ajoute à cela, l’avènement de modèle comme la Mini Moke, qui même sans être un énorme succès reste annonciateur de changement, et cela vient titiller l’esprit des équipes de chez Renault et la Sinpar : et si un nouveau marché émergent était en train d’éclore (et qui faudrait pas qu’on passe à côté) ? Lequel ? On vous le donne en mille : celui du véhicule de loisirs. Oui Madame.

UN LANCEMENT EN GRANDES POMPES
Et c’est reparti, on prend une Torpédo, on la revisite en enlevant quelques détails comme les portes que des chaines à fourreaux viennent remplacer, le hayon et le toit, qu’une sommaire capote tentera de compenser en cas de pluie, et on recycle l’intérieur de la Série « La Parisienne » de la R4 que la Plein Air vient remplacer dans le catalogue. Tout le monde aura compris qu’en fait le marketing réécrira l’histoire en détournant la Torpédo de son usage premier pour en faire une voiture de loisirs et la vendre à tout le monde. Renault et Sinpar iront même jusqu’à programmer le lancement du modèle, un jour avant celui du modèle concurrent : la Citroën Dyane 6 Méhari (et oui, y’avait déjà une bonne ambiance dans le milieu automobile à cette époque), soit le 15 mai 1968. Et on sort l’artillerie lourde pour lancer le joujou, puisque sera tournée une réclame diffusée à la télévision et au cinéma, d’une durée de 4 min, rien que ça pour un modèle évoluant dans ce qui est encore une niche à l’époque.
UNE BATAILLE EST PERDUE, MAIS PAS LA GUERRE…
Hélas, comme la Méhari, elle passera inaperçue, occultée par la colère estudiantine qui gronde en ce printemps 1968. En passant outre le lien affectif que beaucoup d’entre nous ont avec la 4L, on peut objectivement se dire qu’elle avait quand même tout pour plaire, cette 4L cabriolet. Mais trop chère à produire et pas assez polyvalente, au terme de 3 années de production, en 1970, et surtout devant le ridicule des chiffres de vente, (l’histoire avance entre 500 et 600 exemplaires), Renault décidera de mettre un terme à la production de la Plein Air sans pour autant s’avouer vaincue, mais ça c’est une autre histoire…
Vous pouvez retrouver un article de l’Auto Journal, datant de 1969, qui relate le test comparatif de la Citroën Méhari, du Fiat Jungla, et du Renault 4 Plein Air ici : http://blog.doctissimo.fr/phedor/bancs-essai-journal-220253/sixties-flower-power-11014581.html
Sources : http://boitierrouge.com/2015/12/30/renault-4-plein-air-un-bide-sans-pareil/
http://la4ldesylvie.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=352&Itemid=129